Lundi 29 Avril 2024 - Sensations Normandie Seine - Rouen

Chronique de la justice ordinaire à la cour d’appel de Rouen : « La prochaine fois, je vais vrai

Chaque semaine, le récit du quotidien des tribunaux de la région. Aujourd’hui, la cour d’appel correctionnelle de Rouen.

Alors qu’une grève perlée doit être votée en fin d’après-midi, ce jeudi, plusieurs avocats font le choix de plaider.

Les deux premières affaires concernent le même homme. Michel Morel, septuagénaire et propriétaire de la société euroise Morel Nettoyage. On lui reproche d’avoir refusé, en 2017, de donner l’identité du conducteur d’une voiture de l’entreprise coupable d’excès de vitesse. À cinq reprises. Sur la deuxième affaire, c’est lui même qui est arrêté par les gendarmes, non loin d’Évreux, à 123 km/h sur une route départementale limitée à 90. Pour le premier des deux cas, le patron a été condamné à 1800 € d’amende, pour le second à deux mois de suspension de permis ainsi qu’une amende de 375 €.

« Quelle belle justice ! »

Pour le défendre, son conseil mise sur les erreurs de procédure. Les amendes n’ont pas été reçues à la bonne adresse ni à la bonne date. L’avocate met également en avant, pour la deuxième affaire, « le défaut de force probante ». Ici, c’est le radar qui est dans le viseur de l’avocate. La validité du certificat du « cinémomètre de type laser ultra light » aurait expiré. L’avocate générale fait la moue, balaye les arguments de la main. Pour savoir qui a raison « sur ce dossier de fond », il faudra attendre la décision de justice, le 15 avril prochain.

Pour la troisième affaire, les deux parties font appel. Les deux parties se disent « victimes ». Cette histoire de voisinage qui a mal tourné, en 2017, a contraint les deux hommes à se verser mutuellement des indemnités en première instance. Suite à un accrochage en voiture dans le parking de la résidence, Hakim, la trentaine, et Alain, la cinquantaine, en sont venus aux mains. Le premier assure qu’il a dû « ceinturer » le second après s’être fait insulter. Le fils et l’épouse d’Alain sont intervenus. L’épouse aurait « essayé de le frapper au visage avec un diable », tandis que le fils de 11 ans aurait tenté de soustraire son père à l’étreinte de leur voisin. « Votre version hollywoodienne ne tient pas », raille le conseil d’Alain. Hakim nie les violences qui lui sont reprochées. Pour l’avocate générale, deux éléments pèsent lourd dans la balance. Le témoignage d’une voisine, qui l’entend dire : « La Mecque, je vais te n..... fils de p... ! » Et son casier, qui comporte déjà plusieurs mentions pour des faits de violences, alors que celui d’Alain est vierge. « J’ai payé pour mes erreurs, je ne vais pas les payer toute ma vie ! », rumine Hakim. L’avocate générale demande la relaxe pour Alain, et qu’Hakim lui verse 1000 € d’indemnités. « Quelle belle justice ! », fulmine-t-il en partant. « La prochaine fois, je vais vraiment le claquer, et là, j’aurai une raison d’être au tribunal ! », assure-t-il en dehors de la salle d’audience.

Force probante : elle peut définir le degré de la valeur donnée à un mode de preuve (écrit, technique, témoignage...). Elle ne lie pas le juge, qui a le pouvoir de forger son intime conviction.