Dimanche 28 Avril 2024 - Sensations Normandie Seine - Rouen

Environnement. Couvercle jaune ou vert ? En Normandie, le tri des déchets gagne du terrain

Environnement. Les Normands trient de mieux en mieux leurs déchets. La simplification des consignes y a beaucoup contribué. Reste à la généraliser sur l’ensemble du territoire.

Couvercle jaune ? Couvercle vert ? Dans un sac ou non ? Même si les Normands trient leurs déchets depuis une vingtaine d’années, il n’est pas toujours évident de le faire d’une main assurée. « On considère aujourd’hui que l’erreur de tri dans les recyclables est de 15 %, estime Laurent Scot du Smédar (Syndicat mixte d’élimination des déchets de l’arrondissement de Rouen) qui assure la valorisation des déchets de 160 communes représentant la moitié de la population de Seine-Maritime. Mais les habitants trient de plus en plus. » Et de mieux en mieux, notamment depuis trois ans, depuis l’Extension des consignes de tri (ECT) qui consiste à mettre tous les emballages dans le bac de tri, y compris ceux en plastique qui n’étaient pas recyclés jusqu’alors : films, pots, barquettes... « Il faut que ce soit simple et facilement mémorisé, abonde Hubert Dejean de la Batie, vice-président à la Région chargé de l’Environnement, la mer, le littoral et la transition énergétique. Il faut aussi harmoniser sur l’ensemble du territoire car tant que nous n’aurons pas de système unique, les habitants hésiteront sur la poubelle dans laquelle mettre le pot de yaourt. » En effet, si 99 % de la Seine-Maritime bénéficie aujourd’hui de l’ECT, l’Eure n’est pas du tout concerné.

Jeudi matin au Grand-Quevilly, les camions-bennes se succèdent sur les imposantes balances du Smédar qui en accueillent une centaine par jour. Ils viennent se délester des fruits de leur collecte matinale dans un immense hangar. Des agents surveillent le déchargement et extraient les quelques sacs en plastique noir qui ont indûment été ajoutés aux recyclables.

« On trouve parfois des brosses à dents, des peignes... Ce ne sont pas des emballages. Des produits toxiques aussi, des aérosols qui ont contenu de la peinture ou des piles, commente Laurent Scot. Lorsque les piles se retrouvent dans la presse, cela provoque de petites explosions qui peuvent être source d’incendie. Les habitants doivent avoir en tête que ce sont des hommes qui trient et qu’ils peuvent les mettre en danger. Il faut respecter les pictogrammes qui sont sur les produits car certains doivent être portés en déchetterie. »

Dans la cour du Smédar, des balles de déchets compactés offrent un environnement coloré aux murs de parpaings. « Les bouteilles en plastique sont réparties par nuance de couleur, d’un côté les claires, de l’autre les foncées, détaille le spécialiste. Ici, ce sont les canettes. Là, les cartons. » Des déchets qui autrefois auraient été enfouis, sans aucun égard pour la planète, et qui aujourd’hui vont connaître une seconde vie. Ainsi, les bouteilles plastiques deviendront par exemple des fibres pour le textile, les films souples des tuyaux d’arrosage ou les bouteilles de lait des arrosoirs ou des sièges auto.

« Avant, nous n’étions pas de très bons élèves en Haute-Normandie, reconnaît Hubert Dejean de la Batie. La Basse-Normandie, et notamment le département de la Manche, champion toutes catégories, a une habitude de collecte du verre très ancienne. » Mais avec une progression du tri de 4,3 % dont 24 % des plastiques en 2018, les progrès sont encourageants. Des solutions pour faire mieux ? « Il y a le bâton mais je préfère l’écologie éducative à l’écologie punitive », reprend l’élu. Selon le Code pénal, le défaut de tri expose le contrevenant à une amende de 35 €. « Depuis deux ou trois ans, un adhésif peut être appliqué sur le conteneur mal trié et il n’est pas collecté, ce qui met l’habitant devant ses responsabilités. Il faut aussi s’assurer que les consignes ont été bien comprises. » Et la carotte ? « La tarification incitative qui fonctionne selon le principe du pollueur payeur me paraît logique à partir du moment où on fixe un juste prix : ceux qui limitent leurs déchets paient moins que les autres. » Une idée qui pourrait faire son chemin mais qui suscite la crainte de voir le nombre de dépôts sauvages flamber.

Chiffres« Des efforts dans la moyenne nationale et en hausse »Collecte. La première collecte de verre en France date des années 70 alors qu’il a fallu attendre 1992 pour que soit mise en place la collecte sélective des emballages.Performances. Avec 51 kg d’emballages ménagers et 21 kg de papier par habitant, soit 237 000 tonnes triées en 2018, les Normands affichent des résultats légèrement supérieurs à la moyenne nationale (49,9 et 20,5 kg/hab). Avec un total de 63,3 kg/hab, les Eurois sont plus performants que les Seinomarins qui totalisent 61,3 kg/hab. Sur un an, cela représente pour la planète une économie de ressources équivalente à plus d’un milliard de litres d’eau ou 37 000 voitures en circulation.Tarification incitative. L’objectif est qu’en 2025, 30 % de la population normande y soient soumis. Elle ne concerne que les ordures ménagères.Mickaël Poirier est responsable territorial Citéo* pour la région ouest.Quels sont les bons gestes avant de mettre les emballages dans le bac ?Mickaël Poirier : « Bien vider les conserves, mais ne pas les laver, car on utilise la ressource en eau. Elles seront nettoyées dans le processus de tri. Ne pas emboîter des emballages si leur matière est différente, une boîte métallique dans un carton par exemple, car ils ne seront pas séparés par la suite et ne seront donc pas recyclés. On peut compresser les emballages pour gagner de la place, compacter les bouteilles plastiques en laissant le bouchon dessus sinon il risque de se perdre et de ne pas être recyclé. »Les Normands trient-ils de mieux en mieux ?« Oui, leurs efforts de tri sont dans la moyenne nationale et en hausse. On constate aussi une forte hausse des demandes des entreprises pour des emballages respectueux de l’environnement même si certaines passent encore à côté. C’est encourageant. Concernant les particuliers, il reste une belle marge de progression notamment en ce qui concerne le verre et le plastique. Pour la favoriser, il faut simplifier le tri. C’est le but, entre autres, de l’Extension des consignes de tri. Elle est appliquée partout en Seine-Maritime sauf dans la communauté de communes de Londinières, mais pas encore dans l’Eure. »Quels sont les autres leviers pour augmenter les performances de tri ?« La tarification incitative appliquée aux ordures ménagères est l’un des plus importants. Elle se base sur le nombre de ramassages du bac est équipé d’une puce électronique ou sur le poids. Elle est appliquée dans la communauté de communes des 4 rivières (secteur de Forges-les-Eaux) depuis 2012 et on a constaté une baisse du volume de 40 % et une hausse de celui des recyclables de 30 % hors verre. Lorsqu’il s’agit de bornes d’apport volontaire pour les ordures ménagères (NDLR : comme dans le centre-ville de Rouen), des dispositifs de contrôle d’accès sont installés sous forme de carte ou de clé spéciale. Un nombre de dépôts est compris dans le forfait et s’il est dépassé, un coût supplémentaire est comptabilisé. Un dispositif qui fonctionne bien. »*Société privée sans but lucratif, agréée par l’État, pour réduire l’impact environnemental des emballages ménagers et des papiers en les transformant en nouvelles ressources