Vendredi 26 Avril 2024 - Sensations Normandie

1988 : le nom d’Edith Piaf est donné à une rue de Bernay sous les yeux de Charles Dumont

Jours particuliers. Le quatrième épisode de notre série d’été revient sur l’inauguration du nom de la rue de Bernay en 1988 qui honore Édith Piaf ! Le compositeur Charles Dumont s’en souvient encore.

Il ya des jours qui tissent des liens éternels entre un artiste et une ville. Le jour de l’inauguration de la rue Édith-Piaf à Bernay en fait partie.

Nous sommes le 17 juin 1988, cela fait vingt-cinq ans que la Môme a fermé les yeux mais elle hante toujours les murs d’une maison particulière au nord de la ville.

Un jour gravé

Édith Gassion (de son vrai nom) est arrivée au « grand 7 » rue Saint-Michel en 1917, à l’âge de 2 ans. Louis Gassion, son père, artiste de cirque, ne pouvant s’occuper d’elle la déposa chez sa grand-mère, Léontine Louise Descamps, dite « Maman Tine », alors patronne d’une maison close où elle y restera jusqu’en 1922.

C’est une drôle d’idée de passer son enfance entre les murs d’une maison de passe, mais selon Charles Dumont, l’un de ses amis et compositeurs, Édith en gardait un excellent souvenir : « Il faut savoir qu’à l’époque, ce n’était pas de la prostitution, c’était un écart de la morale. La grand-mère d’Édith Piaf n’était certainement pas une proxénète, c’était une pratique qui se faisait dans certains villages. L’attention que les filles ont eue envers la petite Édith, malade, était honorable. Elles s’étaient toutes prises d’affection pour elle, l’ont adoptée moralement et l’ont beaucoup aidée. Elles l’ont même emmenée à Lisieux (14) et ont prié Sainte-Thérèse pour qu’elle retrouve la vue. Quand Édith évoquait cette époque-là elle évoquait sa grand-mère avec beaucoup d’amour et de gentillesse, ce n’était pas des souvenirs graves ou crasseux. C’était jolie, la façon dont elle en parlait », se souvient le chanteur.

Après avoir été guérie, par un miracle de Sainte-Thérèse dont la Môme portait toujours un portrait en pendentif ou par les soins du docteur Roger Mesnil, médecin à Bernay, la petite brune fréquenta l’école Paul-Bert de la rue de la Concorde. Certains de ses camarades diront même qu’ils l’auraient entendu chanter lors d’une remise de prix sur les planches du théâtre de la ville qui portera son nom d’artiste bien plus tard.

C’est bien rue Saint-Michel qu’Édith Piaf chanta pour la première fois, poussée par la grand-mère qui voulait épater ses clients. Il était donc tout naturel que la municipalité lui rende un si grand hommage en baptisant la rue menant au cimetière de son nom d’artiste.

Pour Joël Bourdin, maire de Bernay en 1988, ce jour est gravé dans sa mémoire : « J’en garde un souvenir très ému. La maison était toujours en l’état. Je dois avouer maintenant que certains de mes conseillers de l’époque avaient travaillé en tant que fournisseurs pour l’établissement de la grand-mère d’Édith Piaf. Cela s’est fait sans grandes difficultés au conseil et j’ai adoré ma rencontre avec Charles Dumont », explique-t-il.

En effet, c’est le compositeur de Non, je ne regrette rien qui a dévoilé la petite pancarte bleue : « Je me souviens bien de ce jour-là, mais ce n’était qu’un retour à Bernay pour moi, car en 1971, j’ai été l’invité d’honneur de l’ouverture du cinéma-théâtre (le Piaf) avec Léon Zitrone. On a passé une excellente soirée, car l’animateur qui était tonitruant nous avait fait beaucoup rire en blaguant au sujet de la grand-mère d’Édith et de ses pensionnaires », précise l’artiste. Il avait mené ce soir-là un récital, reprenant quelques-uns des 17 titres qu’il avait composés pour la Môme, dont un qu’il affectionne particulièrement, Mon Dieu. Il décrivait bien, selon lui, la personnalité de la chanteuse.

Dès 1960, Charles Dumont passe le plus clair de son temps auprès d’Édith Piaf et vit avec elle des moments intenses de création jusqu’à ses derniers jours. Certains lui prêteront même une aventure avec l’artiste : « Édith avait écrit une chanson “Les amants” que j’ai mise en musique, les mauvaises langues ont donc eu l’occasion de parler. Moi, ça ne me fait pas de peine, car après tout pourquoi pas ! », plaisante-t-il.

Infos pratiques

Le premier épisode de la série revenait sur la journée du 7 juin 1973, lorsqu’un camion fou a fait cinq morts, à Bernay.